mercredi 16 mai 2007

La nonne sanglante

Bonne lecture!C'est une version de la Légende dasn un roman de Lewis nommé Le Moine

Beatrix de Las Cisternas prit le voile de fort bonne heure, non de son propre choix, non de son propre choix, mais sur l'ordre exprès de ses parents. Elle était trop jeune alors pour regretter les plaisirs dont ses vœux la privaient ; mais dès que son tempérament chaud et voluptueux commença à se développer, elle s'abandonna librement à l'entraînement de ses passions, et saisit la première occasion de les satisfaire. Cette occasion se présenta enfin, après maint obstacle qui n'avait fait qu'ajouter à la véhémence de ses désirs. Elle parvint à s'évader du couvent, et s'enfuit en Allemagne avec le baron de Lindenberg. Elle vécut plusieurs mois dans le château de son amant, en concubinage avoué. Toute la Bavière fut scandalisée de sa conduite impudente et déréglée. Ses fêtes rivalisaient de luxe avec celles de Cléopâtre, et Lindenberg devint le théâtre de la débauche la plus effrénée. Non contente d'étaler l'incontinence d'une prostituée, elle fit profession d'athéisme : elle ne perdit pas une occasion de se moquer de ses vœux monastiques et de tourner en ridicule les cérémonies les plus sacrées de la religion.Avec un caractère si dépravé, elle ne pouvait longtemps borner son affection à un seul objet. Peu après son arrivée au château, le frère cadet du baron attira son attention par ses traits fortement prononcés, par sa taille gigantesque et par ses membres athlétiques. Elle n'était pas d'humeur à dissimuler longtemps ses inclinations ; mais elle trouva dans Othon de Lindenberg son égal en dépravation. Il répondit à sa passion tout juste assez pour l'accroître ; et quand il l'eut montée au point désiré, il exigea pour prix de son amour l'assassinat de son frère. La malheureuse acquiesça à cette horrible convention ; une nuit fut choisie pour faire le coup. Othon, qui résidait dans un petit domaine à peu de milles du château, promit qu'à une heure du matin il l'attendrait au trou de Lindenberg, qu'il amènerait avec lui une troupe d'amis sûrs à l'aide desquels il ne doutait pas d'être en état se rendre maître du château, enfin que son premier soin serait de l'épouser. Ce fut cette dernière promesse qui surmonta tous les scrupules de Béatrix, attendu que, malgré sa tendresse pour elle, le baron avait déclaré positivement qu'il n'en ferait jamais sa femme. La nuit fatale arriva. Le baron dormait dans les bras de sa perfide maîtresse, quand l'horloge du château sonna « une heure ». Béatrix tira un poignard de dessous son oreiller, et le plongea dans le cœur de son amant. Le baron ne poussa qu'un gémissement effrayant, et expira. La meurtrière se hâta de quitter le lit, prit une lampe d'une main et de l'autre le sanglant poignard, et dirigea sa course vers la caverne. Le portier n'osa pas refuser d'ouvrir la porte à une personne qu'on redoutait plus au château que le seigneur même. Béatrix gagna sans obstacle le trou de Lindenberg, où, comme il l'avait promis, elle trouva Othon qui l'attendait. Il la reçut et écouta son récit avec transport ; mais avant qu'elle n'eut le temps de demander pourquoi il venait sans escorte, il la convainquit qu'il ne voulait aucun témoin de leur entrevue. Impatient de cacher la part qu'il avait dans le meurtre, et de se délivrer d'une femme dont le violent et atroce caractère le faisait trembler avec raison pour sa propre sûreté, il avait résolu de brise son coupable instrument. S'élançant tout à coup sur elle, il lui arracha le poignard de la main ; il le lui plongea au sein, encore tout fumant du sang de son frère, et lui ôta la vie à coups redoublés.Othon succéda à la baronnie de Lindenberg. Le meurtre ne fut attribué qu'à la nonne qui avait disparu, et personne ne le soupçonna d'avoir été l'investigateur de cette action. Mais si son crime ne fut pas puni des hommes, la justice de Dieu ne le laissa point jouir en paix de ses honneurs tachés de sang. Les os de Béatrix étant restés sans sépulture dans la caverne, son âme errante continua d'habiter le château. Revêtue de ses habits religieux, en mémoire de ses vœux enfreints, armée du poignard qui avait bu le sang de son amant, et tenant la lampe qui avait guidé ses pas fugitifs, chaque nuit elle était debout devant le lit d'Othon. La plus effrayante confusion régnait dans le château. Les salles voûtées retentissaient de cris et de gémissements ; et le spectre, en rodant le long des galeries, proférait un mélange incohérent de prières et de blasphèmes. Othon n'eut pas la force de soutenir le choc de cette vision épouvantable. L'horreur s'en accrut à chaque apparition nouvelle. Ses alarmes à la fin devinrent si intolérables que son cœur se brisa, et qu'un matin, dans son lit, on le trouva entièrement privé de chaleur et de mouvement. Sa mort ne mit pas fin aux désordres nocturnes. Les os de Béatrix continuaient d'être privés de sépulture, et son fantôme continua à hanter le château.Les domaines de Lindenberg échurent à un parent éloigné. Mais, terrifié des récits de la nonne sanglante (c'est ainsi que le spectre était nommé par la multitude), le nouveau baron appela un célèbre exorciseur. Ce saint homme réussit à forcer la nonne à un repos temporaire ; mais, quoi qu'elle lui eût révélé son histoire, il n'avait pas le droit de la répéter, ni de transporter son corps en terre sainte. L'ombre était condamnée à errer dans le château et à déplorer le crime qu'elle y avait commis. Toutefois, l'exorciseur la contraignit au silence tout le temps qu'il vécut. Pendant cet intervalle, la chambre où elle revenait fut fermée et la nonne demeura invisible. Quand il fut mort, ce qui arriva cinq ans après, elle reparut, mais seulement une fois tous les cinq ans, le même jour et à la même heure où elle avait plongé son couteau dans le cœur de son amant endormi : elle visitait alors la caverne qui contenait son squelette poudreux ; elle rentrait au château dès que l'horloge sonnait deux heures, et on ne la voyait plus avant l'expiation des cinq années suivantes.Elle était condamnée à souffrir pendant un siècle.
Le Moine, de Matthew Gregory Lewis

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Miam ! lire ce genre de récit fait du bien entre deux révisions ^_^

Mais c'est une version de la légende de Mélusine ? Car à part l'errance fantômatique je ne trouve pas beaucoup de points communs...

Anonyme a dit…

ah non désolée, je viens de comprendre ! Je suis lente ces derniers temps... *je floode tes commentaires, c'est pas bien v_v*

Anonyme a dit…

Cette nouvelle était captivante! Merci de l'avoir mise en ligne Melu! ^_^